Droit commercial et des affairesLes leviers en matière de concurrence déloyale d’un ancien salarié

16 avril 2025by Gaspard Avocats

La liberté d’entreprendre trouve notamment pour limite la réglementation en matière de pratiques anticoncurrentielles et déloyales.

Par une décision du 14 janvier 2025 n°23/02708, la Cour d’appel de Rennes a retenu la responsabilité d’une Société concurrente créée par un ancien salarié au motif qu’elle s’était rendue complice de concurrence déloyale en démarchant la clientèle d’un concurrent grâce à l’utilisation d’un fichier client conservé par l’ancien salarié.

Dans cet arrêt, la Cour d’appel sanctionne directement la Société nouvellement créée pour avoir organisé un démarchage systématique des clients d’une Société concurrente grâce à un fichier portant mention des dates d’échéances et de renouvellement de contrats de mandats, allié à la conservation des coordonnées de « futurs prospects » par l’ancien salarié pour son activité nouvelle.

Cette Société est condamnée à payer des indemnités destinées à réparer le préjudice subi par son concurrent constitué d’une perte de chance d’avoir pu percevoir des honoraires pour les clients détournés.

Cette jurisprudence rappelle des principes classiques en la matière, à savoir que, d’une part, si l’ancien salarié n’est pas tenu au titre de son contrat de travail par une clause de non-concurrence applicable à l’issue de son terme, il peut sans encourir de sanction, constituer une Société concurrente à celle de son ancien employeur à la condition toutefois que cette Société nouvelle n’ait débuté de manière effective son activité qu’après la cessation du contrat de travail (principe énoncé notamment par un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 13 mars 2002, pourvoi n°99-11.178).

La Cour ne sanctionne pas, en effet, dans cette décision la création de la Société concurrente par l’ancien salarié en l’absence de clause l’y interdisant strictement.

Le salarié serait personnellement fautif si, à l’inverse, la Société créée exploitait son activité de manière effective durant l’exécution de son préavis ou s’il était tenu par une clause de non-concurrence l’y interdisant. Il peut encore, sans s’exposer à une quelconque sanction, immatriculer la Société durant la période de son préavis, l’immatriculation étant insuffisante à caractériser l’accomplissement effectif d’une activité.

D’autre part, cet arrêt rappelle que le démarchage de la clientèle d’un concurrent y compris lorsqu’il est réalisé grâce à un ancien salarié non obligé par une clause de non-concurrence, est illicite lorsqu’il s’accompagne de l’utilisation de procédés déloyaux qui doivent être caractérisés, tel qu’au cas d’espèce, l’utilisation aux fins de détournement d’un fichier clients comportant des mentions spécifiques relatives aux termes des contrats, à la possibilité de souscrire avec eux, autant d’éléments attestant de la programmation des manœuvres déloyales mises en œuvre (règle rappelée par un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 12 mai 2021, pourvoi n°19-17.714).

  • Précaution fondamentale: insérer dans le contrat de travail une clause de non-concurrence respectueuse des dispositions légales et jurisprudentielles pour ne pas être invalidée par un Juge.
  • Action judiciaire prioritaire : solliciter du Président de la juridiction compétente la désignation d’un huissier pour constater les agissements déloyaux de votre concurrent. Une telle action est menée par voie de requête rédigée par avocat, sans débat contradictoire et donc sans avertissement préalable de la Société concurrente ce qui évite la disparition de preuves utiles au procès en responsabilité ultérieurement engagé.